Les Femmes Doivent-elles Encore Écouter les Hommes sur la Spiritualité ?
L’Heure des Femmes est Venue
Je ne compte plus le nombre de femmes que j’ai eu l’honneur d’accompagner dans leur chemin d’éveil spirituel. S’il y a bien une chose que j’ai remarquée au cours de ces bientôt 10 dernières années, c’est que l’éveil spirituel d’une femme est souvent très éloigné du chemin que les hommes sont invités à emprunter.
Le message des maitres spirituels masculins, de Jesus à Mohamet en passant par Buddha ou même plus récemment Ekart Tolle invite à l’abandon de l’égo, à la générosité, au pardon, au sacrifice et au don de soi.
Paradoxalement, c’est souvent un chemin inverse qui est emprunté par les femmes. Le chemin de l’éveil, pour la majorité des femmes que j’ai accompagnées, a consisté à se créer un ego, à redéfinir une identité, à se réapproprier un “moi” souvent brouillé par le conditionnement visant à faire de nous des êtres sacrificiels par nature.
Je me demande s’il n’est pas temps que les femmes cessent de modeler leur éveil selon les visions masculines et que les mystiques féminines réinvestissent pleinement l’espace spirituel, devenant ainsi des guides incontournables pour l’avenir.
Il est fascinant de constater à quel point les chemins de l’éveil spirituel semblent genrés, façonnés par des siècles d’enseignement où les figures masculines ont dicté les règles de l’élévation de l’âme. Pendant des millénaires, les écrits religieux et philosophiques ont été transmis par des hommes, interprétés par des hommes et appliqués dans un monde structuré selon des principes masculins. Le détachement de l’ego, la transcendance du soi individuel au profit du collectif, la dissolution du désir personnel au profit d’une mission plus grande : autant de concepts qui résonnent profondément dans l’expérience de l’homme en quête de sagesse.
Le Don de Soi : Une Essence Féminine Dévoyée
Il serait illusoire de nier que le don de soi est inhérent à la nature féminine. Depuis la nuit des temps, le féminin a été perçu comme une énergie nourricière, une force qui accueille, qui enveloppe, qui donne la vie et la maintient. De la mère qui porte et nourrit son enfant à la guérisseuse qui prend soin des âmes blessées, en passant par la prêtresse qui sert le divin, le féminin sacré est profondément relié à la transmission, à l’amour inconditionnel, au partage. Mais cette capacité à donner a souvent été pervertie par des structures patriarcales qui ont fait du sacrifice une norme pour les femmes, oubliant que donner ne signifie pas s’oublier.
Là où l’éveil spirituel des hommes passe par l’apprentissage du don, de l’ouverture du cœur et du lâcher-prise face à l’ego, celui des femmes consiste souvent à redéfinir les contours de ce don. Apprendre à donner sans s’effacer. Apprendre à aimer sans s’abandonner. Apprendre à servir sans se soumettre. L’évolution spirituelle des femmes aujourd’hui ne consiste pas à rejeter leur essence généreuse, mais à en reprendre le contrôle, à la réintégrer consciemment dans un équilibre où donner ne signifie plus s’épuiser, mais rayonner.
L’éveil féminin
L’éveil féminin que j’ai observé n’est pas un effacement du moi, mais bien une reconstitution de ce moi. Ce n’est pas une dissolution dans le grand tout, mais une réappropriation de chaque parcelle d’identité. Alors que le monde a toujours encouragé les hommes à se bâtir, à s’affirmer, à prendre leur place, il a, au contraire, imposé aux femmes l’effacement, la soumission et le don de soi. Ainsi, pour beaucoup de femmes, la quête spirituelle ne commence pas par l’abandon de l’ego, mais par sa naissance.
Il est donc légitime de se demander si les enseignements qui ont guidé des générations d’hommes peuvent véritablement répondre aux besoins spécifiques des femmes en quête d’éveil. Une femme qui cherche à se libérer d’un conditionnement où elle a été encouragée à s’oublier peut-elle réellement trouver sa voie en suivant des principes qui prônent encore davantage de renoncement ?
Je crois qu’il est temps d’explorer une spiritualité féminine qui ne soit plus une adaptation des traditions masculines, mais une véritable transmission issue du vécu et des expériences des femmes elles-mêmes. Une spiritualité qui ne soit pas un chemin unique, mais un éventail de possibilités, où chaque femme peut redécouvrir sa propre vérité, en dehors des injonctions à l’effacement.
Les grandes mystiques féminines ont existé à travers les âges, mais leur voix est restée dans l’ombre, occultée par celles des hommes qui ont façonné les récits spirituels dominants. Hildegarde de Bingen, Marie-Madeleine, les prêtresses d’Isis, les chamans et guérisseuses de toutes les traditions : ces figures nous rappellent que la femme porte en elle une sagesse ancestrale qui ne demande qu’à être réhabilitée.
L’avenir du spirituel passe-t-il par une nouvelle ère où les enseignements féminins prendront la place qu’ils méritent ? Où les femmes seront libres de définir leur propre chemin d’éveil sans avoir à se conformer aux dogmes forgés dans un monde qui ne les a jamais vraiment comprises ?
C’est un questionnement essentiel. Car l’éveil spirituel ne devrait pas être une injonction de plus, mais une révélation qui libère et qui honore enfin la complexité et la richesse du féminin.
Une Spiritualité Ancrée dans le Corps
Un autre élément fondamental qui distingue l’éveil spirituel des femmes de celui des hommes est la relation au corps. Là où les traditions mystiques masculines ont souvent prôné l’ascèse, la transcendance des désirs corporels et le détachement du monde matériel, les femmes que j’accompagne découvrent leur éveil dans une démarche inverse : en revenant au corps, en s’y réconciliant, en le réhabitant pleinement.
Le féminin sacré, dans de nombreuses traditions anciennes, n’a jamais vu le corps comme un obstacle à la spiritualité, mais comme un portail vers elle. Nos cycles, notre sensualité, notre intuition viscérale sont des guides naturels vers des états de conscience modifiés. Pourtant, dans les traditions spirituelles dominantes, la chair a souvent été diabolisée. Le plaisir a été vu comme une distraction, le désir comme un piège, la maternité comme une épreuve.
L’éveil féminin passe par une réhabilitation du corps comme temple de la conscience. Il ne s’agit pas de le mortifier ou de le dominer, mais de l’écouter, d’en comprendre les messages subtils, de le nourrir et de l’honorer. Pour une femme, danser, respirer, marcher pieds nus sur la terre, chanter, vibrer au rythme du tambour ou du souffle peuvent être des expériences aussi méditatives que s’asseoir en silence pendant des heures.
Les Différences d’États Méditatifs : L’Esprit Contre le Corps
Là où l’homme entre souvent en état méditatif par la discipline, le silence et le vide, la femme y accède plus spontanément par la fluidité, le mouvement et la réceptivité. Les méditations classiques enseignées dans les grandes traditions – souvent développées par des hommes – sont structurées autour du retrait des sens, du focus mental et de l’observation neutre des pensées. Cela correspond bien au fonctionnement cérébral masculin, qui a naturellement tendance à compartmentaliser, à séparer le physique du mental, à chercher le calme dans l’immobilité.
Mais pour la femme, la méditation n’est pas forcément un état de séparation. Elle est un état d’incarnation totale, où chaque cellule vibre d’une présence consciente. L’état méditatif féminin est cyclique, organique, sensoriel. Il peut être atteint en plongeant dans une danse extatique, en respirant profondément dans le bas-ventre, en activant le corps à travers le chant, le toucher, la connexion avec les éléments. Là où l’homme médite pour s’extraire du chaos du monde, la femme médite en s’y immergeant pleinement, en devenant le chaos et l’harmonie à la fois.
C’est pourquoi de nombreuses femmes que j’accompagne se sentent en échec face aux formes traditionnelles de méditation. Elles croient ne pas être "faites" pour cela, car leur esprit ne s’arrête pas, car leur corps demande à bouger, à ressentir, à exprimer. Mais peut-être que ce n’est pas elles qui sont inadaptées à la méditation, mais bien la méditation qui ne leur est pas adaptée.
Vers une Nouvelle Mystique Féminine
Il est donc urgent de proposer d’autres modèles, d’autres pratiques qui respectent la nature profonde du féminin. Une spiritualité où l’on ne force plus les femmes à entrer dans des cadres conçus pour des cerveaux et des corps masculins, mais où l’on honore pleinement leur propre façon d’accéder à la transcendance.
Cela signifie réapprendre à méditer autrement, à utiliser le souffle comme un pont entre le corps et l’âme, à faire confiance aux intuitions qui surgissent spontanément, à se laisser guider par la sagesse du ventre, du cœur, de la peau. Cela signifie aussi que les enseignantes spirituelles doivent reprendre leur place et transmettre une sagesse qui n’a pas besoin de s’adapter aux cadres masculins, mais qui assume pleinement son essence féminine.
Si l’éveil spirituel des femmes suit un chemin différent, c’est peut-être parce qu’il est temps que le monde se souvienne de la puissance de ce chemin. Il ne s’agit plus d’imiter, d’adopter des pratiques qui nous éloignent de nous-mêmes, mais de retrouver nos propres rites, nos propres initiations, nos propres portes vers le divin.
Car si l’homme cherche Dieu dans l’ascension, peut-être que la femme, elle, l’a toujours porté en elle.
Oh la la ! tes mots ont fait des étincelles ou plutôt explosés comme des pop corn dans ma tête. C'est bouleversant de vérité.
Merci Clarisse💖
C’est tellement juste 🙏🏾❤️